Nichée au cœur du Bordelais, la région de Saint-Émilion est mondialement connue pour plusieurs choses : sa magnifique cité médiévale, ses paysages, mais surtout ses vins élégants et raffinés. Des siècles d'histoire et de tradition ont façonné notre travail, sur un terroir d’exception… et surtout, des cépages d'exception. Après avoir lu cet article, les cépages plantés dans notre belle région n'auront plus aucun secret pour vous. Du Merlot au Cabernet Franc, découvrons ensemble l’histoire et les spécificités des cépages qui font la renommée des vins de Saint-Émilion.
1. Une histoire viticole vieille de plusieurs siècles
Le village de Saint-Émilion, célèbre pour ses vins, possède une histoire riche qui remonte à l’Antiquité. Les Romains, séduits par ses coteaux ensoleillés, y implantèrent les premières vignes et exploitèrent ses carrières de calcaire, qui fourniront plus tard la pierre des bâtiments de la région.
Au VIIIᵉ siècle, un moine breton, Émilion, vint s’installer en ermite dans une grotte de la forêt des Combes, près du village d’Ascumbas (ancien nom de Saint-Émilion). Réputé pour ses miracles et son œuvre d’évangélisation, il attira de nombreux disciples et donna son nom à la cité, qui se développa autour de son ermitage.
Durant le Moyen Âge, la ville prospère et se dote de remparts au XIIIᵉ siècle. Passant tour à tour sous domination française et anglaise, elle bénéficie d’une large autonomie grâce à la Jurade, instaurée en 1199 par le roi d’Angleterre Jean Sans Terre. Cette institution, composée de jurats, administre la cité et contribue à la renommée de ses vins, exportés jusqu’en Angleterre.
Malgré les ravages des guerres de Religion et de la Révolution française, Saint-Émilion conserve un patrimoine remarquable : l’église monolithe, creusée dans la roche au XIᵉ siècle, la Tour du Roy, construite en 1237, et l’église collégiale avec son cloître gothique.
Aujourd’hui inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999, la cité médiévale célèbre toujours ses traditions, notamment à travers la Jurade ressuscitée, qui perpétue la culture viticole lors de grandes fêtes comme le Ban des Vendanges.
2. Les cépages, un choix règlementé
Le cahier des charges, élaboré par le Comité National des Appellations d’Origine, est la bible de nos vignerons, c'est celui qui pose les règles concernant la conduite du vignoble, la vinification et la commercialisation des vins de Saint-Émilion. Concernant les cépages, voici ce qui est mentionné :
Les vins sont issus des cépages suivants :
- cépages principaux : cabernet franc, cabernet-sauvignon, carmenère, cot (ou malbec), merlot;
- cépage accessoire : petit verdot N.
Note :
La proportion du cépage petit verdot ne peut être supérieure à 10 % de l’encépagement.
La conformité de l’encépagement est appréciée sur la totalité des parcelles de l’exploitation produisant le vin de l’appellation d’origine contrôlée.
Pourquoi ?
L’usage des cépages est très contrôlé à Bordeaux – et particulièrement à Saint-Émilion – pour trois raisons principales :
1. Protéger l’identité et la qualité des vins
- À Saint-Émilion (comme dans tout Bordeaux), les vins sont produits sous des appellations d’origine contrôlée (AOC), qui imposent des règles strictes sur les cépages autorisés (Merlot, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, etc.).
- Ces règles garantissent que chaque bouteille reflète le style et le goût caractéristiques de l’appellation : des vins rouges élégants, équilibrés et aptes au vieillissement.
- Si chacun pouvait planter n’importe quel cépage (par exemple du Syrah ou du Pinot Noir), le style des vins serait altéré et l’appellation perdrait sa cohérence et sa notoriété.
2. Préserver le terroir et le savoir-faire historique
- Les cépages autorisés sont ceux qui se sont le mieux adaptés aux sols calcaires, argilo-calcaires et aux microclimats de Saint-Émilion depuis des siècles.
- L’association historique entre terroir et cépage (notamment le Merlot, qui domine grâce à sa capacité à mûrir rapidement sur ces sols) a façonné la réputation mondiale des vins.
- Changer radicalement les cépages mettrait en danger cet équilibre entre terroir et tradition.
3. Protéger la réputation et la valeur économique de l’appellation
- Les appellations comme Saint-Émilion Grand Cru sont synonymes de prestige et de valeur, attirant des amateurs et collectionneurs du monde entier.
- Un contrôle strict empêche toute dérive qualitative qui pourrait nuire à l’image de Bordeaux sur les marchés internationaux.
-
C’est aussi une manière de protéger les viticulteurs : si un producteur déroge aux règles, son vin ne peut pas porter l’appellation et perd une grande partie de sa valeur commerciale.
Le contrôle des cépages n’est pas une contrainte arbitraire, mais un outil de protection du patrimoine viticole, du style des vins et de la réputation mondiale de Bordeaux et de Saint-Émilion.
3. Qu'est-ce qui rend ces cépages si uniques ?
Le Merlot : le roi de Saint-Émilion
Le Merlot est aujourd’hui l’un des cépages rouges les plus célèbres et les plus plantés au monde. S’il est devenu un symbole de Bordeaux et le cœur battant des vins de Saint-Émilion et Pomerol, son ascension a été tout sauf linéaire : gel, maladies, interdictions, mais aussi une formidable conquête internationale. Retour sur l’histoire mouvementée et le caractère unique de ce cépage qui séduit les amateurs comme les connaisseurs.
La première trace écrite du Merlot remonte à 1784 dans le sud-ouest de la France, mais le cépage s’enracinait déjà solidement dans le vignoble bordelais. Son nom viendrait de « merle » ou « merlau », ces petits oiseaux noirs très présents dans les vignes et friands de ses baies mûres et sucrées. On retrouve des mentions du « jeune merle » dans les archives françaises, signe d’une expansion rapide dès la fin du XVIIIe siècle.
À cette époque, le vignoble bordelais est en pleine mutation. Les clarets légers cèdent la place à des vins plus sombres et structurés, destinés à la garde. Les nobles et ecclésiastiques vendent leurs domaines à une bourgeoisie commerçante, bien décidée à moderniser la production et l’exportation.
Le Merlot devient rapidement un acteur clé de ce renouveau. En 1855, il participe à la consécration des grands crus du Médoc dans le fameux classement voulu par Napoléon III. Depuis les quais de Libourne, les barriques de Saint-Émilion et Pomerol embarquent pour l’Angleterre, portées par la politique de libre-échange instaurée avec la reine Victoria. Les négociants corréziens jouent un rôle central dans sa diffusion, en devenant propriétaires de prestigieux châteaux et en faisant de Libourne un deuxième pôle commercial après Bordeaux. C’est le début de l’expansion du cépage noir sur les sols calcaires et argilo-graveleux de la rive droite.
Le Merlot n’a pas été épargné par les catastrophes. L’hiver glacial de 1956 détruit 60 % de ses vignes dans le Bordelais. À peine replantées, elles subissent des attaques de pourriture, au point que le gouvernement français interdit toute nouvelle plantation en 1970. L’interdiction est levée cinq ans plus tard, et le Merlot retrouve sa place au cœur des assemblages bordelais.
Au même moment, il conquiert le Nouveau Monde. Des vignerons californiens testent l’assemblage cabernet/merlot… puis découvrent que le Merlot, vinifié seul, séduit par sa rondeur et son fruité. Dans les années 1980, il devient le cépage le plus planté en Californie et gagne l’État de Washington, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et l’Europe de l’Est. Sa capacité d’adaptation et son accessibilité en bouche en font une star mondiale.
Le Merlot est un cépage caméléon : il s’adapte à des climats variés et exprime des profils différents selon le terroir et la vinification. En général, il donne des vins rouges secs, moyennement corsés à corsés, avec une acidité modérée et des tanins souples. Sa robe est d’un rouge profond, tendant vers le rubis dans sa jeunesse, puis grenat avec l’âge.
En bouche, les meilleurs Merlots offrent une palette complexe : fruits rouges (cerise, framboise, prune), notes herbacées, cacao, vanille, cèdre (surtout lorsqu’ils sont élevés en fût de chêne). Plus accessibles que le Cabernet Sauvignon dans leur jeunesse, ils séduisent par leur texture veloutée et leur finale harmonieuse.
Le Merlot, par sa souplesse, est un vin facile à associer. Les cuvées légères accompagnent parfaitement des viandes blanches, des volailles rôties ou des plats de pâtes. Les Merlots plus corsés, notamment ceux de Pomerol et Saint-Émilion, subliment les viandes rouges, l’agneau et le gibier.
De ses racines bordelaises aux vignobles californiens, le Merlot s’est imposé comme l’un des cépages les plus universels. Qu’il s’agisse d’un grand cru de Pomerol ou d’une cuvée du Nouveau Monde, il conserve cette identité qui fait son charme : un vin accessible, élégant, mais capable d’une grande complexité.
En bref :
- Représentation dans l’appellation : environ 60-70 % de l’encépagement.
- Profil aromatique : arômes de fruits rouges (cerise, prune), notes de chocolat et parfois une touche de réglisse.
- Caractéristiques : cépage souple et rond, offrant des vins gourmands, accessibles jeunes, mais capables de vieillir magnifiquement.
- Accords mets-vins : idéal avec un magret de canard, une entrecôte ou des fromages affinés.
Le Cabernet Franc : l’âme et la structure
Discret mais incontournable, le Cabernet Franc est souvent dans l’ombre de son descendant le Cabernet Sauvignon, dont il est l’un des parents. Pourtant, ce cépage noir aux arômes délicats et aux tanins souples a conquis les vignobles français et étrangers. C’est le cépage signature des grands rouges de la Loire, un pilier des assemblages bordelais, et un allié idéal pour des vins qui allient fraîcheur, finesse et complexité aromatique.
Découvrons ensemble ses origines, ses arômes typiques, les terroirs qui le subliment et les meilleurs accords mets-vins pour en profiter.
Le Cabernet Franc est l’un des cépages les plus anciens cultivés en France. On pense qu’il est originaire du sud-ouest, peut-être du Pays Basque ou de Bordeaux, où il est arrivé dès le Moyen Âge. Ce raisin est un véritable patriarche : il est l’un des parents génétiques du Cabernet Sauvignon (croisement naturel avec le Sauvignon Blanc) et aussi du Merlot et du Carménère.
Traditionnellement cultivé en Loire et à Bordeaux, il s’est imposé grâce à sa précocité (il mûrit plus tôt que le Cabernet Sauvignon, échappant plus facilement aux gelées) et à son profil aromatique unique, mêlant fruits rouges et notes végétales raffinées.
En bref :
- Représentation : 20-30 % de l’encépagement.
- Profil aromatique : notes de framboise, violette et une pointe épicée.
- Caractéristiques : apporte fraîcheur, finesse et structure tannique, parfait pour l’assemblage.
- Accords : sublime les viandes rôties, les gibiers et les plats en sauce.
Le Cabernet Sauvignon : la touche de puissance
S’il fallait nommer un cépage qui règne sur le monde du vin depuis plus d’une décennie, ce serait lui. Star incontestée des grands crus de Bordeaux comme des cuvées iconiques de Californie, le Cabernet Sauvignon s’est imposé comme le cépage le plus cultivé au monde depuis 2010. Comment ce raisin, apparu « par accident » au XVIIᵉ siècle, a-t-il conquis les vignobles de la planète et les amateurs de vins puissants et élégants ?
Découvrons ses origines, ses arômes, les terroirs qui le subliment, et surtout : avec quoi l’apprécier pour en tirer toute la quintessence.
Né dans le Bordelais au XVIIᵉ siècle, le Cabernet Sauvignon est le fruit d’un heureux croisement naturel entre deux cépages :
- Le Cabernet Franc, cépage rouge élégant,
- et le Sauvignon Blanc, cépage blanc aromatique.
De cette union improbable est né un raisin aux petites baies à peau épaisse, résistant aux intempéries et aux maladies, et bourgeonnant tardivement pour éviter les gelées printanières. Des qualités idéales pour la vigne… mais surtout, un potentiel aromatique et tannique exceptionnel qui allait séduire le monde entier.
Les vins issus de ce cépage sont réputés pour leur structure tannique solide, leur fraîcheur naturelle et leur extraordinaire capacité de vieillissement. Jeunes, ils s’expriment par des arômes de fruits noirs intenses : cassis, mûre, cerise noire, parfois rehaussés de violette ou de framboise.
Avec l’âge et un élevage en fût de chêne, ils évoluent vers des notes plus complexes et profondes : musc, cuir, tabac, chocolat noir, épices douces…
On leur associe parfois un arôme de poivron vert, marqueur d’un raisin récolté trop tôt ou de rendements excessifs, mais maîtrisé, il apporte de la fraîcheur.
En bref :
- Représentation : environ 10 % dans l’appellation.
- Profil aromatique : cassis, poivron mûr et épices.
- Caractéristiques : donne aux vins un potentiel de garde impressionnant et une charpente solide.
- Accords : idéal avec des viandes rouges grillées et des plats corsés.
Le Malbec : venu d'ailleurs !
Le malbec, cépage emblématique des vins de Cahors, est au cœur d’une histoire longue et mouvementée, entre traditions lotoises et succès international. Connu également sous les noms d’auxerrois, de côt ou encore de noir de Pressac selon les régions, il a longtemps déconcerté les ampélographes qui peinaient à retracer précisément ses origines. Les recherches génétiques ont finalement révélé qu’il est issu d’un croisement entre la magdeleine des Charentes et le prunelard, confirmant son ancrage aquitain. Sa diffusion doit beaucoup à un négociant du XVIIIe siècle, Malbeck, qui a contribué à lui donner le nom sous lequel il est aujourd’hui mondialement reconnu.
Historiquement cultivé dans le Quercy, le malbec était déjà réputé au Moyen Âge, notamment servi lors du mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II en 1152 et prisé à la cour de François Ier. Exporté jusqu’en Russie, il devient le fameux « Kagor », vin de messe puis vin de fête de l’église orthodoxe. Mais l’histoire du cépage faillit s’interrompre avec le phylloxéra au XIXe siècle, qui décima les vignobles. Il faudra attendre l’après-guerre pour que la vigne cadurcienne renaisse, grâce notamment à la cave coopérative de Parnac. En 1951, Cahors obtient le statut de VDQS, puis devient AOC en 1971, autour d’un malbec désormais central, accompagné de merlot et de tannat.
Ce cépage produit des vins rouges denses, à la robe sombre, surnommés « black wine » par les Anglais. Leur profil aromatique se distingue par des notes de fruits noirs (mûre, prune, kirsch), d’épices, de réglisse et, avec le temps, par des nuances giboyeuses. Les vins de Cahors se déclinent en deux styles principaux : des cuvées puissantes et tanniques, taillées pour la garde et à carafer, et des versions plus souples et accessibles, destinées à une consommation plus rapide. Leur structure et leur intensité les rendent particulièrement adaptés aux viandes rouges grillées ou mijotées, aux gibiers, aux confits d’oie ou de canard, aux plats à base de truffe et même aux desserts au chocolat.
Le Petit Verdot et le Carménère : des cépages discrets !
Le carménère et le petit verdot, bien que souvent discrets dans les assemblages bordelais, partagent un destin singulier, oscillant entre rareté locale et reconnaissance internationale. Le carménère, longtemps confondu avec le merlot au Chili, est pourtant né sur la rive gauche de Bordeaux, issu d’un croisement entre le cabernet franc et le gros cabernet. Sa couleur cramoisie à l’automne aurait inspiré son nom. Cépage tardif et sensible aux maladies fongiques, il a progressivement disparu de Bordeaux au XIXe siècle, remplacé par des variétés plus fiables comme le merlot après les ravages du phylloxéra. Exporté au Chili dans les années 1850, il y a trouvé des conditions idéales, au point de devenir un symbole du vignoble local, où il représente aujourd’hui plus de 80 % de la production mondiale. À Bordeaux, il ne subsiste que sur quelques hectares, principalement dans le Médoc et à Pauillac, souvent en faibles proportions dans les assemblages, bien que quelques domaines en produisent encore des cuvées en monocépage.
Le carménère séduit par son profil aromatique mêlant framboise, cerise acide et poivre vert, avec une touche herbacée et une minéralité marquée. Les cuvées accessibles mettent en avant des notes de fruits rouges et une légère amertume, tandis que les versions plus ambitieuses développent des tanins souples et une texture proche du merlot, ce qui en fait un vin souple et harmonieux, facile à marier à table, notamment avec des viandes grillées, des légumes rôtis ou des plats légèrement épicés.
Le petit verdot, quant à lui, est un cépage originaire du Sud-Ouest, probablement des Pyrénées ou du Béarn, qui s’est imposé comme un complément incontournable dans l’encépagement des grands crus du Médoc. Peu répandu — quelques centaines d’hectares en France — il reste difficile à cultiver, en raison d’une maturité tardive et de rendements irréguliers. Mais sa contribution dans les assemblages est précieuse : il apporte couleur, structure et complexité aromatique, tout en enrichissant le volume en bouche. S’il est tannique et ferme dans sa jeunesse, il s’assouplit avec le temps pour révéler des notes de réglisse, de menthol, de framboise, de violette et parfois des nuances épicées qui rappellent la syrah.
Souvent limités à des proportions modestes dans les assemblages — rarement plus de 10 % — le carménère et le petit verdot partagent un rôle de soutien, apportant chacun leur signature : fraîcheur et caractère épicé pour le premier, profondeur et structure pour le second. Tous deux incarnent des expressions discrètes mais essentielles du vignoble bordelais, et séduisent par leur capacité à complexifier et magnifier les grands vins, tout en offrant, lorsqu’ils sont vinifiés seuls, des profils aromatiques singuliers et raffinés.
Les cépages de Saint-Émilion sont le reflet d’un savoir-faire ancestral et d’un terroir d’exception. Du Merlot velouté au Cabernet Franc élégant, chaque gorgée raconte l’histoire de notre région.
👉 Vous souhaitez en savoir plus sur la conduite de vignoble d'une propriété à Saint-Émilion ? Venez découvrir nos vins lors d’une dégustation au domaine ! Réservez votre visite dès maintenant en cliquant ici !